Mettre en pratique des principes alternatifs dans un contexte de concurrence entre mutuelles : un défi impossible?Le cas des mutuelles étudiantes en France.
Résumé
Interest in alternative organizations and their emancipatory potential has grown significantly among critical scholars. Among current inquiries, it has been shown that these organizations may be " contaminated " (i.e.: implement anti-alternative practices and/or adopt capitalist values) when competing, on their markets, with traditional capitalist organizations. But what happens when alternative organizations compete with one another or operate in a market that consists exclusively of other alternative organizations? Does their alternative nature help them deal differently with the competition-related issues they face, to develop solutions and practices other than those they would implement if they were competing with privately-owned capitalist enterprises? In this research, we have explored a sector – that of student healthcare in France – that involves two alternative, mutualist organizations competing directly and exclusively with each other. Focusing on the relations of competition between these mutuals, we observed in the field that their practices and methods greatly contrasts with the mutualist values and principles those organizations claim to stand for, in particular with the principles of solidarity between members and of non-commercialization of health care. This case shows how the alternative nature of an organization becomes diluted in the issues of competition even though the market is shared by two alternative non-profit organizations. We suggest that the situation of direct competition by itself, and not only competition with traditional capitalist organizations, is a key determinant of alternative organizations' ability to put into practice their distinguishing principles.
Mettre en pratique des principes alternatifs dans un contexte de concurrence entre mutuelles : un défi impossible ? Le cas des mutuelles étudiantes en France. L'intérêt pour les organisations alternatives (mutuelles, coopératives, etc.) et leur potentiel émancipateur s'est beaucoup développé auprès des chercheurs critiques. Si ceux-ci ont insisté sur la congruence nécessaire entre valeurs et pratiques pour juger du caractère alternatif d'une organisation, les écarts entre ces deux dimensions ont généralement été attribués au fait que ces organisations étaient en concurrence, sur leurs marchés, avec des organisations capitalistes classiques susceptibles de les « contaminer ». Mais que se passe-t-il quand des organisations alternatives se font concurrence entre elles ou évoluent dans un marché principalement constitué d'autres organisations alternatives ? Leur caractère alternatif leur permet-il d'imaginer d'autres solutions, d'autres pratiques, que celles qu'elles mettraient en oeuvre si elles étaient en concurrence avec des organisations capitalistes privées ? Une autre question peu abordée dans ces recherches sur les organisations alternatives est celle du rôle joué par les modes spécifiques de gestion des ressources humaines dans la manière dont ces organisations s'adaptent (ou non) lorsqu'elles se trouvent dans un contexte concurrentiel. Dans cette recherche, il s'agit d'une part d'examiner la capacité d'organisations alternatives à rester cohérentes avec leurs principes alternatifs lorsqu'elles sont en concurrence entre elles ; et d'autre part de comprendre le rôle spécifique des modes de gestion des ressources humaines dans ce processus. Nous avons eu accès à un terrain de recherche mettant en scène deux organisations alternatives – des mutuelles-en relation de concurrence directe sur un même marché – celui de la santé étudiante en France-, sur lequel elles n'ont pas d'autres concurrents. Nous montrons que les pratiques et modes de GRH observés contrastent très largement avec les valeurs et principes mutualistes revendiqués par ces mutuelles. Un apport majeur de cette recherche est de montrer que le contexte et notamment le fait qu'il crée une situation de concurrence directe est un élément essentiel conditionnant la possibilité pour des organisations de mettre concrètement en pratique les principes alternatifs qui les distinguent des organisations capitalistes traditionnelles.
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