Deux phénomènes marquent les milieux populaires urbains et ruraux en Haïti. Il s’agit d’une part de la paternité au rabais par laquelle un homme refuse de reconnaître son enfant, laissant à sa partenaire la responsabilité matérielle et relationnelle de la parentalité. D’autre part il s’agit de la maternité en série, conséquence directe de cette forme de paternité, où la mère abandonnée recherche l’aide économique d’un autre homme, s’exposant ainsi à une nouvelle grossesse et un nouvel abandon. Les femmes alignent ainsi des partenaires masculins (polyandrie en série) et par conséquent des maternités en série, dans un contexte où l’accès à la contraception et à la prise en charge médicale des naissances reste limité. Les femmes sont ainsi surexposées face au risque de grossesse (Tabet, 1998). Ce phénomène marque la société en participant à la mortalité maternelle et infantile qui reste plus élevé que la moyenne en Amérique Latine, à l’échec scolaire des filles et leur précarisation dans le service domestique, ainsi qu’à la féminisation de la migration interne. En 2006, j’ai analysé la sexualité des filles adolescentes dans les familles pauvres de Solino (quartier populaire de Port-au-Prince). Et dans ma recherche de doctorat (2015), j’ai retrouvé ces mêmes résultats sur la parentalité qui m’ont alors permis de mieux comprendre la migration et le travail de ces femmes. A partir de ces recherches, j’analyserai ces normes/représentations de la parentalité faite d’une suresponsabilisation des femmes, en me fixant sur le cas des plus défavorisées. La première offre le point de vue des filles-mères, tandis que la seconde présente celle des plus âgées, mères et grand-mères qui racontent elles aussi leur expérience de la parentalité. En restant au plus près du vécu et de la parole des femmes interviewées, je présenterai d’abord la paternité au rabais, puis j’analyserai la polyandrie et la maternité en série, pour ensuite souligner les effets de ces phénomènes sur l’existence des femmes et leurs relations familiales.