Dans cet article, je présente les résultats préliminaires de ma recherche doctorale. Son objet est la production et la reproduction quotidiennes et situées du consentement des travailleurs du commerce de détail – nécessaire au fonctionnement régulier de l'activité – au sein d'une grande entreprise brésilienne du secteur. Sur la base d'observations et d'entretiens, ainsi que du suivi à travers les réseaux sociaux de groupes de vendeurs (ces derniers, surtout pendant la période de pandémie), je cherche à reconstituer le quotidien des travailleurs dans leur fonction de vente de produits et de "faire leur salaire". Je me concentre sur trois dimensions particulières, toutes interconnectées les unes aux autres dans la pratique : la vente en tant qu'interaction, le système de rémunération particulier des vendeurs – commissionnés –, et les principes de justice mobilisés pour justifier la distribution des salaires qui a lieu mois après mois. Autrement dit, je cherche à analyser les mesures par lesquelles les vendeurs jugent la dynamique salariale dans laquelle ils sont insérés. En fin de compte, je parviens à la conclusion que l'hégémonie du principe du mérite, bien qu'elle soit contestée par la mobilisation d'autres principes, en particulier le principe de l'effort, est le résultat d'une structure de rémunération qui peut être considérée comme une véritable technologie de production de l'individualisme, c'est-à-dire comme l'avant-garde de la production quotidienne de ce qu'on a appelé la « rationalité néolibérale » au travail.